
Le 10 février 1955, Jauran, Jean-Paul Jérôme, Louis Belzile, et Fernand Toupin lancent le Manifeste des Plasticiens. Rédigé par Rodolphe de Repentigny – alias Jauran on le sait – le manifeste coïncide avec l‘ouverture de leur exposition à l’Échourie.
Quelques extraits tirés de la première page donnent le ton :
« Les Plasticiens sont des peintres qui se sont réunis quand ils ont constaté que la similitude d’apparence de leurs peintures relevait d’une concordance dans leur conduite de peintre, dans leur démarche picturale et dans leurs attitudes envers la peinture, per se et dans la société humaine ».
« Comme le nom qu’ils ont choisi pour leur groupe l’indique, les Plasticiens s’attachent avant tout, dans leur travail, aux faits plastiques : ton, texture, couleurs, formes, lignes, unité finale qu’est le tableau, et les rapports entre ces éléments. Éléments assumés comme fins ».
Pour les Plasticiens, la toile n’est plus une fenêtre. Ils veulent débarrasser la peinture de tout apport accidentel, protester contre toute manipulation de l’œuvre d’art qui la désamorce. Leur peinture, croient-ils, doit viser « … cette complète autonomie en tant qu’objets ».
Depuis plus d’un an, Jauran et ses camarades Jérôme, Belzile et Toupin se rencontrent presqu’à chaque jour dans le salon atelier de de Repentigny, rue Saint-Hubert. Le manifeste fait la synthèse de leur discussion.
L’exposition est prévue du 11 février au 2 mars au 54 avenue des Pins à Montréal.

L’Échouerie est alors « la centrale » des jeunes artistes et de quelques poètes avec des expositions qui défilent. Le manifeste va couronner cette présentation, organisée par Molinari. Critique d’art, Rodolphe de Repentigny, alias Jauran son nom de guerre et de peintre, le rédige.
À la suite de l’automatisme, Montréal se fait à nouveau avec le géométrisme des plasticiens le berceau d’un second mouvement d’avant-garde en un phénomène unique sur la scène canadienne.
La production picturale de Jean-Paul Jérôme se caractérise par l’abandon de la volumétrie, l’épuration de l’espace, l’agencement non focalisé de formes. À la fois angulaires et fluides, ses verticales pourraient composer une grille distordue, contrebalancée très souvent par des harmonies de pourpre, de ton terreux, de sienne, de gris.
« Le manifeste nous a permis également de mieux faire connaître nos œuvres », me confiait Jean-Paul Jérôme, peu avant sa mort en 2004. « Il n’y avait pas de place à Montréal pour ce type de peinture. Il était important de nous regrouper par affinités et conserver en même temps cette grande liberté d’expression. Seul on ne pouvait aller loin. Il fallait imaginer la suite, quelque chose de nouveau ».
Tandis que son approche de la couleur évolue, avec Jérôme la géométrie est une assise et non un dogme. Bien que rigoureuse, sa géométrie est soluble dans la fantaisie et la joie de peindre. Jean-Paul Jérôme s’inspire d‘un certain biomorphisme pour exprimer un vitalisme sensoriel. Courbes, volutes, angles, et lignes de construction contiennent et orchestrent la couleur appliquée d‘abord en aplat puis parfois, grâce aux recours aux découpages, au collage et aux reliefs bidimensionnels.
« Il ne s’agit pas d’une démarche de laboratoire », m’expliquait Jean-Paul Jérôme de sa peinture. Avec fraîcheur, ses œuvres aux couleurs très vives, en opposition mordantes, semblent parfois faire éclater le cadre malgré leur architecture solide. À la fois sensible et volontaire, souple et accentuée, son œuvre épouse avec disponibilité l’exploration des rythmes et des mouvements.
Extraits du texte du critique d’art et auteur René Viau intitulé Jean-Paul Jérôme et l’héritage des premiers plasticiens. Ce texte fut écrit dans le cadre de la présentation de l’exposition Jean-Paul Jérôme : le Plasticien intemporel. Cette exposition vient souligner à la fois le 20e anniversaire du décès de l’artiste (14 août 2004) et le 70e anniversaire du lancement du Manifeste des Plasticiens (10 février 1955).
